HADOPI, son argumentaire mensonger

L’argument de base, central, de madame Albanel, Denis Olivenne et consorts pour justifier la loi Internet et Création est le suivant :

La piraterie sur Internet se fait au détriment des créateurs et va tuer la création en France

Premièrement, appelons un chat un chat : il ne s’agit pas de piraterie, mais de téléchargement illégal. La piraterie, c’est le détournement de bateaux au large de la Somalie, avec violences (et parfois des morts comme récemment). C’est la revente au noir de cartons de copies (souvent mauvaises) de supports matériels.

Deuxièmement, c’est un mensonge éhonté. Les seuls à pâtir du téléchargement illégal sont les grosses maisons d’éditions et surtout les diffuseurs de support physique, FNAC en tête. Pas les auteurs. Ce qui se passe, c’est la disparition progressive des CD, comme auparavant celle des cassettes audios et vidéos, et encore avant des 45 et 33 tours. On retrouve l’argumentaire des diffuseurs, qui hurlaient à l’époque que les radios « libres » allaient tuer la disque (c’est le contraire, ça a créé une explosion du marché), puis plus tard que la K7 audio allait tuer le disque (faux bien entendu). Mais pendant que l’industrie s’adaptait en trainant les pieds aux modifications technologiques, les auteurs prospéraient. Et continuent de prospérer. Les droits collectés n’ont jamais cessés d’augmenter, le nombre d’auteurs de grimper, et l’offre culturelle pour tous (concerts, diffusion) n’a jamais été aussi foisonnante.

La preuve ? Elle est au vu et au sus de tous, sur le site de la SACEM (http://www.sacem.fr) dans le rapport 2007 disponible en ligne (http://www.sacem.fr/portailSacem/jsp/ep/contentView.do?contentTypeId=2&contentId=536898759&programId=536880424&pageTypeId=8586). En voici les chiffres clefs :

Des ayant-droit en augmentation sensible

  • 124.000 sociétaires (86.900 en 1999)
    • dont 45.236 (vivants) ont perçu des droits
    • dont 3.211 ont reçu plus de 10.000 €.
  • 1.447 salariés équivalent temps plein (260 en 1999 ???)

Les droits perçus sont en hausse

  • 759,1 millions d’€ perçus, en augmentation de +0,4%
    • 1999: 3,7 milliards de FF = 564,1 millions d’€, soit + 34,5% en 8 ans
    • il y a eu une seule année de baisse depuis 1992 : -0,2% en 2006
  • 1/3 des droits viennent des TV et radios, en légère baisse de -1,6%
  • 1/3 des droits viennent des consommations collectives, en hausse de +5,2% en 2007 après une hausse de +5,6% en 2006
  • moins d’1/4 des droits viennent de la consommation privée, en baisse
  • le reste est la collecte de droits auprès des équivalents étrangers de la SACEM, en hausse de +2,1%

La part des supports physique baisse sans cesse

  • supports enregistrés : -7,7% pour 119,0 millions d’€
    • ce n’est pas récent : en 1999, c’était attribué à la fin du marché pour les CD single : … la baisse du marché français, particulièrement celui des supports simples (chute de – 20% en volume au 1er trimestre 1999)

Les autres recettes augmentent, et l’immatériel explose

  • explosion des droits de téléchargement : +26,8% en 1 an
    • certes encore à un niveau faible (6,1 millions d’€), mais à ce rythme ça va rapidement compenser la baisse des supports
    • plus de la moitié vient des téléphones mobiles
    • +85% pour les téléchargements légaux online
  • les droits des concerts ont grimpés de +8,7% en 2007 pour 62,8 millions d’€, soit + 95,8% depuis 2000
  • taxe copie privée en hausse à 51,5 millions d’€ : c’est la licence globale qui ne veut pas dire son nom

En conclusion ?

  1. Les recettes des artistes (ceux qui touchent des droits en tout cas) ont largement suivi l’inflation malgré les diverses révolutions technologiques, et continuent à le faire
  2. Les taux d’augmentations des droits immatériels privés laissent présager des lendemains qui chantent
  3. La diffusion de musique vivante ne s’est sans doute jamais aussi bien portée
  4. Le téléchargement sans payer n’a aucune influence négative sur les revenus des artistes
  5. Le téléchargement sans payer n’a aucune influence négative sur la création musicale

Mesdames et messieurs les députés et sénateurs, tirez-en la conclusion logique : on vous ment. Ce projet de loi est basé sur du sable qui recouvre un mensonge gros comme une maison. Son vrai nom devrait être : « Internet et Diffusion ».

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